Lorsque en 1997, Geneviève Levin-Delarue s'est jetée dans son travail pour élaborer ses Bouddhas (au nombre de 16 à ce jour), il n'a fait aucun doute que l'artiste avait décidé de rompre :
- rupture avec un passé où elle avait d'abord appris à peindre, donc dépendante de la technique
- rupture avec une direction qui la conduisait à l'impasse du déjà-vu
Geneviève a brutalement pris conscience de ses forces, de sa détermination pour voler de ses propres ailes et aujourd'hui, le résultat est surprenant et novateur.
Les Bouddhas apparaissent, en aquarelles de près d'un mètre carré, imposants, lourds, bien équilibrés et puissants. Ils occupent les 4/5ème de l'espace.
Avec des encres de chine, craies sèches, couleurs multiples, concrétions, Geneviève réussit une transaction : celle du monde extérieur (le végétal, la nature) avec le monde intime (placidité, obscédance). Une harmonie qui nous conduit vers "d'autres lumières constamment renouvelées, celles des clartés de l'esprit, plus hautes, plus belles" (Odilon Redon).
Le public peut être saisi par cette beauté physique rendue, et qui, par delà les trouvailles, les couleurs, les effets, nous avise d'une leçon : celle "où il faut se sentir vivre en dedans, au milieu des merveilles du monde externe" (Odilon Redon).
Quitterions nous alors la peinture pour nous diriger vers une leçon des choses, celle des swamis, anges et maîtres d'une philosophie monumentale ?
Pourquoi pas si l'on considère et si l'on admet également le désarroi préoccupant de l'homme contemporain en quête de sens.
Cette peinture novatrice procure un souffle du ventre dans le temps.
L'un des bouddhas (septembre 200) nous rapproche des visages d'Ingres : le végétal coule sur son épaule gauche comme si l'inflexibilité d'une méditation s'alanguissait dans une absence d'attente.
Modeste de sa personne, Geneviève Levin-Delarue est vive dans son intention : elle passe aisément de l'activité de peinture à l'humain par un commerce assidu qu'elle porte à des personnages bondés de sagesse. C'est le contraire de la fadaise, de l'insupportable légèreté des êtres.
Qu'elle soit ici remerciée, une pareille liberté et courage méritent cette moindre reconnaissance.
ARA Claude Vigne - septembre 2000.